Devenir mère après un trauma sexuel vécu dans l'enfance
La maternité est un chemin semé d'émotions, de découvertes et de défis. Rien n'est plus difficile que de devenir mère. Mais pour celles qui ont vécu l'indicible durant leur enfance, devenir mère peut s'apparenter à une traversée du désert émotionnel, un parcours jonché d'obstacles invisibles et de souvenirs douloureux. Les abus sexuels subis pendant les premières années de vie laissent des cicatrices profondes qui peuvent influencer l'impact des abus sexuels sur la maternité et la manière dont une femme appréhende sa propre maternité et son devenir en tant que mère.
Se préparer à devenir mère après un traumatisme : Le poids du passé
L'enfance est censée être une période insouciante, mais pour certains, elle est marquée par des expériences traumatisantes. Les attouchements, le harcèlement et les viols sont des réalités terrifiantes qui touchent les nourrissons, les enfants et les adolescents. Face à ces actes inhumains, la société a souvent recours au déni, à la minimisation ou au discrédit de la parole des victimes. Cela a eu un impact considérable sur les mères anciennes victimes d'abus sexuels. C'est de cette façon que beaucoup d'entre elles se sont retrouvées seules avec leurs tourments, ce qui a affecté leur relation au sein de leur propre système familial.
Les chiffres sont alarmants : en France, chaque année, plus de mineurs sont victimes de viol ou tentatives de viol. Muriel Salmona, psychiatre et psychothérapeute, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, souligne que ces statistiques sont probablement en dessous de la réalité. La majorité des victimes n'ont jamais été protégées ni par la police ni par leur entourage. Seulement 1 % des agresseurs sont condamnés pour viol et une infime partie des victimes reçoivent l'aide nécessaire. Il est indéniable que la violence des abus sexuels subis pendant l'enfance est très répandue et constitue l'une des principales causes de mal-être qui persistent à l'âge adulte, sous différentes formes :
Problèmes sexuels, stress chronique, peur irrationnelle de l'avenir, crainte de ne pas être en mesure de protéger ses propres enfants. La plupart des victimes peuvent être plus vulnérables et peuvent souffrir également de troubles psychologiques tels que la dépression, l'anxiété, les troubles du sommeil et les troubles alimentaires. Les conséquences de ces traumatismes perdurent souvent toute une vie et affectent tous les aspects de leur existence. Certaines personnes peuvent être dans le déni de l'impact de l'abus sexuel et peuvent développer un besoin de contrôle sur tout pour être rassuré. Ce besoin de contrôle peut avoir des impacts sur leurs relations aux autres et surtout dans leur vie intime.
La maternité après l'abus : entre espoir et appréhension
Pour une femme ayant subi des abus sexuels dans son enfance, envisager la maternité après un trauma sexuel peut raviver d'anciennes blessures. La grossesse et l'accouchement impliquent une intimité physique qui peut réactiver le traumatisme passé. De plus, la responsabilité de protéger son enfant contre les dangers qu'elle a elle-même affrontés peut être source d'une anxiété considérable. Cette préoccupation maternelle primaire chez les survivantes est souvent accompagnée d'émotions complexes liées à la grossesse. Certaines femmes peuvent ressentir à la fois de l'espoir et de l'appréhension face à la maternité. L'espoir d'offrir une nouvelle vie à leur enfant, de réparer les blessures du passé et de créer une relation maternelle aimante peut être un puissant moteur. Cependant, cette joie peut également être teintée par des souvenirs douloureux et des craintes liées à la protection de leur enfant.
Il est important de souligner que chaque survivante a une expérience unique et que ses sentiments peuvent évoluer au fil du temps. Certaines femmes trouvent dans la maternité une source de guérison et de force, tandis que d'autres peuvent nécessiter un soutien supplémentaire pour faire face aux défis spécifiques que cela implique.
Dans tous les cas, il est crucial que les survivantes se sentent soutenues et entourées d'une communauté bienveillante. L'accès à des professionnels spécialisés dans le trauma sexuel, tels que des thérapeutes ou des groupes de soutien, peut être essentiel pour accompagner ces femmes tout au long de leur parcours vers la maternité.
Accompagner et comprendre l'impact d'un abus sexuel vécu dans l'enfance :
Il est essentiel que les professionnels de santé soient formés pour reconnaître et prendre en charge les séquelles psychologiques liées aux traumatismes sexuels. Un accompagnement psychologique des mères victimes et une écoute empathique peuvent aider ces futures mères à surmonter le passé en devenant mère, en atténuant leurs peurs et à construire un lien mère-enfant sain avec leur enfant.
Souvent les mères anciennes victimes dans leur enfance, ne font pas le lien entre leur symptôme et leur vécu. Elles peuvent éprouver de la culpabilité lorsqu'elles font face à des difficultés émotionnelles telles qu'une dépression post-partum, tout en étant heureuses d'avoir leur enfant. Ces contrastes peuvent les rendre vulnérables, et certaines ont du mal à demander de l'aide par culpabilité ou par crainte d'être jugées. La venue au monde de leur enfant les confronte fréquemment à leur propre enfance gâchée.
Elles peuvent ressentir de la tristesse sans pouvoir comprendre ce qui leur arrive.
En fonction de l'âge auquel elles ont vécu le traumatisme, le fait de voir grandir leur enfant peut les ramener à leur propre expérience à cet âge.
D'autres signes de mal-être peuvent se manifester, comme le rejet du concubin, ce qui rend l'intimité plus difficile pour ces femmes.
En comprenant leurs symptômes et la souffrance de ces mères, les professionnels de la santé peuvent contribuer à renforcer ou activer leur capacité de résilience par une écoute empathique.
Comprendre les réactions liées au traumatisme pour s'en libérer
Il n'est pas facile de devenir parent. Cela reste souvent plus difficile à le devenir pleinement lorsque l'enfance a été douloureuse et remplie de carences affectives et de traumatismes. Les défis sont plus grands et sont plus intenses du fait d'une insécurité qui peut se réveiller à tout moment.
Quels sont les difficultés rencontrées pour les mères survivantes ?
Besoin de contrôler
Malheureusement, les séquelles de l'abus peuvent se manifester de façon déguisée dans le comportement, le besoin de tout contrôler. Ce besoin compulsif de contrôle peut se traduire par une surprotection envers l'enfant, une peur constante de le voir souffrir ou être maltraité. Cependant, cette surprotection excessive peut étouffer l'autonomie et le développement émotionnel de l'enfant. Les professionnels peuvent donc aider ces mères à trouver un équilibre entre protection et autonomie pour favoriser un lien mère-enfant sain et épanouissant.
Ce contrôle permanent envers son enfant peut au fil du temps fragiliser le lien. Les difficultés relationnelles qui peuvent en découler peut renforcer le sentiment d'impuissance vécu jadis dans l'enfance et déprimer la mère.
Difficultés de séparation
La difficulté de lâcher prise et de ne pas contrôler l'enfant, peut empêcher l'enfant de se développer correctement. si celui ci ressent l'insécurité de son parent, il peut vouloir inconsciemment le réparer et prendre sur lui la souffrance de sa mère. Il peut avoir des difficultés à se séparer d'elle car il peut ressentir son mal-être.
Ce besoin de fusion, de séparation peut entraver la construction d'une identité individuelle chez l'enfant, le privant ainsi de son autonomie et de sa capacité à gérer ses propres émotions.
Les professionnels peuvent donc jouer un rôle crucial en aidant ces mères à comprendre l'origine de leurs comportements, en leur offrant un soutien émotionnel et en les guidant vers des techniques éducatives plus saines qui favorisent à la fois l'autonomie de l'enfant et la sécurité affective. De cette manière, ils contribuent à redonner confiance à la maman qui réagit de façon inconsciente et à promouvoir des relations mère-enfant positives et équilibrées.
Difficultés de contrôler ses émotions
Quand une mère est en grande souffrance et que le traumatisme de l'enfance rejaillit à l'âge adulte, le risque est de voir des comportements liés à la peur de l'échec fragiliser l'équilibre familial. L'injustice vécu, la douleur d'une enfance gâchée peut se manifester à travers des projections sur les autres avec de la colère explosive devant les difficultés quotidiennes et en cas d'incompréhension de la part de l'entourage de leur vulnérabilité.
Cette colère peut être dirigée vers l'enfant, ou vers le compagnon qui devient le réceptacle de la frustration de la mère. Il est donc primordial d'aider ces mères à identifier et à travailler sur leurs propres blessures, afin de ne pas les projeter sur leur enfant ou leur conjoint.
D'autres mères peuvent inhiber leur colère et se plier à toutes les demandes de l'enfant, par peur de commettre des erreurs. Elles ont appris à se taire. Elles ont du mal à se sentir elles-mêmes et s'oublient. Au fil du temps, cette soumission peut conduire à une dépression, à des somatisations chroniques sans que l'entourage ne comprenne ce qu'elles vivent. Ces femmes ont parfois des difficultés à comprendre ce qui leur arrive, ce qui renforce leur sentiment de vulnérabilité.
En offrant un espace sécurisant où elles peuvent exprimer leurs émotions et en leur proposant un accompagnement thérapeutique adapté, les professionnels peuvent contribuer à briser ce cercle vicieux et à favoriser un environnement familial plus sain.
Difficultés à mettre des limites
Malheureusement, un enfant abusé peut plus tard, à l'âge adulte, rencontrer des difficultés à établir des limites saines et à distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas, surtout quand l'abus a été produit par un membre de la famille. S'il n'a pas réussi à s'exprimer, ou s'il n'a pas été écouté et cru, cela va aggraver la confusion qu'il a déjà vécue avec l'adulte agresseur. Cela va avoir un impact dans la vie quotidienne. L'enfant qui n'a pas été protégé peut à l'âge adulte ne pas savoir se protéger, ni protéger ceux qui l'entoure. La confusion permanente entre ce qui est acceptable ou pas va influencer ses relations interpersonnelles, sa confiance en lui-même et sa perception des limites.
Il est donc crucial d'en prendre conscience, et de se faire aider par un professionnel afin d'établir des limites saines dans ses relations, et prendre confiance en soi. Cette difficulté peut conduire à ce que nous avons vu précédemment à un besoin de tout contrôler, ou encore surinvestir son enfant pour le protéger.
Il faut comprendre qu'un abus sexuel dans l'enfance impact toutes les structures du cerveau. La vision du monde change, la vision des adultes et des relations avec les autres. Le sentiment de sécurité intérieure est brisé. Le monde peut être perçu comme dangereux.
L'enfant apprend à travers l'exemple des adultes, de son entourage. Il apprend à être en relation avec autrui. Tous les repères sont complètement bouleversés lorsqu'un adulte lui inflige une blessure profonde qui touche à son intimité.
Son développement émotionnel et psychologique est entravé, et il peut éprouver de la difficulté à se connecter avec les autres de manière saine et authentique. Cela peut se retrouver à l'âge adulte avec des difficultés à mettre la bonne distance avec les autres.
Vers un avenir meilleur : briser le cycle du silence
Devenir mère après avoir vécu un abus sexuel pendant l'enfance est un parcours complexe qui nécessite compréhension, soutien émotionnel et compassion.
Beaucoup de professionnel de santé ne s'interroge pas suffisamment sur le vécu des mères ou des futures mères pendant leur grossesse. Si la question demeure délicate, se poser des questions sur un éventuel abus sexuel vécu pendant l'enfance, en cas d'anxiété, de dépression post-partum après l'accouchement ou lors de difficultés rencontrées qui semblent irrationnelles peut permettre aux professionnels de mieux soutenir et accompagner la grossesse, la parentalité en rassurant les mères en devenir. En soutenant ces femmes, on peut les aider à se rassurer, à prendre confiance en elles et à cultiver leurs ressources et leurs capacités en étant empathique et bienveillant.
Proposer à une mère de se faire aider pour la libérer de ses fardeaux passés peut être une étape importante pour éviter qu'elle ne transmette de façon inconsciente son passé douloureux.
Être attentif aux besoins de sécurité, d'écoute et d'empathie peut aider une maman à traverser les nouveaux défis auxquels elle est confrontée avec force et résilience.
Il est crucial de se poser ces questions, car les premières années de vie de l'enfant et la relation du bébé avec sa maman sont cruciales pour sa croissance future. Les recherches de John Bowlby sur les liens d'attachement précoces mettent en lumière l'importance de ces premières années de vie pour l'équilibre de l'enfant.
Conclusion
Si une mère a vécu un abus sexuel dans son enfance, il est crucial de lui offrir des ressources et un soutien appropriés pour l'aider à briser le cycle du silence et à se reconstruire et se faire confiance en tant que parent. L'accès à une thérapie ou à des groupes de soutien et à des programmes de parentalité peut être essentiel pour favoriser sa guérison intérieure et son développement en tant que mère aimante et protectrice.
En brisant le silence, en prenant conscience de l'impact d'un traumatisme infantile, ces femmes peuvent également contribuer à sensibiliser les autres mères sur la réalité des abus sexuels dans l'enfance et à promouvoir des mesures préventives plus efficaces.
Elles peuvent se libérer sans avoir des craintes parfois excessives pour leurs enfants les privant d'une vie épanouissante. La guérison est un processus complexe et individuel, mais avec le soutien adéquat, les mères survivantes peuvent transformer leur douleur en force pour elles-mêmes et pour leurs enfants. En travaillant ensemble en tant que société pour briser le cycle des abus sexuels dans l'enfance et offrir un soutien sans jugement à ces femmes courageuses, nous pouvons créer un environnement plus sûr et plus aimant pour les générations futures.
Ainsi, en soutenant ces mères, nous pouvons non seulement les aider dans leur propre processus de guérison, mais aussi contribuer à établir un environnement plus sûr pour les générations futures.